L'unification des interactions
Tendance à la simplification
La loi de la gravitation universelle de Newton est le premier grand exemple d'unification des lois physiques. En effet, Newton montra que des phénomènes différents (la pesanteur et le mouvement des astres), jusqu'alors modélisés par des lois différentes (loi de la chute des corps, lois de Kepler), sont deux facettes d'une seule et même interaction, modélisée à l'aide d'une seule loi.
Seconde grande unification, les lois de l'électromagnétisme de Maxwell permettent de comprendre à la fois les phénomènes électriques et magnétiques mais aussi les ondes électromagnétiques dont la lumière.
Ainsi, depuis plusieurs siècles, les physiciens cherchent à comprendre le plus grand nombre de phénomènes à l'aide du plus petit nombre de lois fondamentales. A l'heure actuelle, tous les phénomènes physiques connus sont expliqués à l'aide des quatre interactions fondamentales uniquement. Mais le grand rêve des physiciens est de continuer cette simplification pour aboutir à une ultime théorie unique: la théorie du tout.
La théorie électrofaible: une unification ?
Il est courant d'entendre parler à propos de la théorie électrofaible d'une unification électrofaible. Il est vrai que la théorie électrofaible regroupe au sein du même modèle à la fois l'interaction électromagnétique et l'interaction faible. Il est vrai aussi qu'il n'est pas possible de séparer les deux ``morceaux'' en deux théories distinctes: c'est possible pour l'électromagnétisme mais pas pour l'interaction faible. Pourtant, si on étudie en détail la structure de cette théorie, on constate immédiatement qu'elle contient deux interactions distinctes (isospin faible et hypercharge faible): c'est seulement le mélange de ces deux interactions qui empêche de séparer la partie faible de la partie électromagnétique. Mais, il n'existe pas d'interaction électrofaible unique. On ne peut donc pas parler d'une unification électrofaible mais seulement d'une théorie électrofaible.
La grande différence entre une théorie contenant deux interactions distinctes et l'unification de deux interactions en une seule est liée aux constantes de couplages de ces interactions. La constante de couplage de l'électrodynamique quantique est la charge électrique, celle de la chromodynamique quantique est la charge de couleur. Dans le cas où deux interactions sont unifiées en une seule, il n'existe qu'une seule constante de couplage (comme par exemple dans la loi de Newton, la masse est la constante qui permet de calculer la pesanteur et aussi le mouvement des astres). Dans une théorie comme la théorie électrofaible, les deux interactions possèdent chacune une constante de couplage distincte: bien que ces deux interactions soient liées au sein de la même théorie, elles ne sont pourtant pas unifiées.
Le modèle standard
Actuellement, tous les phénomènes observés en physique des particules sont explicables à l'aide du modèle standard. Ce modèle regroupe dans une seule théorie à la fois la théorie électrofaible et la chromodynamique quantique. Ainsi, il contient l'interaction électromagnétique, l'interaction faible et l'interaction forte. Mais, ces trois interactions fondamentales sont distinctes dans le modèle standard et ne sont pas plus unifiées que ne le sont les interactions électromagnétique et faible dans la théorie électrofaible.
Cependant, une particule prédite par le modèle standard reste à découvrir, les accélérateurs actuels n'étant pas suffisamment puissants. Cette particule est appelée le boson de Higgs et est un ingrédient majeur de la théorie électrofaible et donc du modèle standard. En effet, sans cette particule, il est impossible de donner une masse aux W+, W- et Z0 mais aussi aux particules comme l'électron ou les quarks (et donc à la matière) ! Ainsi, une grande partie des physiciens des particules travaille actuellement sur des expériences qui permettront dans quelques années de découvrir le boson de Higgs ou de montrer qu'il n'existe pas. Dans ce dernier cas, le modèle standard devrait être fortement modifié et il faudrait trouver un nouveau mécanisme permettant d'expliquer l'existence de la masse...
Dans le modèle standard, la masse des particules est expliquée par une interaction entre ces particules et le boson de Higgs. Ainsi, le modèle standard ne contient pas seulement les trois interactions électromagnétique, faible et forte mais aussi une cinquième interaction fondamentale dont le médiateur est le boson de Higgs. Jusqu'à présent, aucun effet de cette éventuelle nouvelle interaction n'a pu être observé.
La "Grande Unification''
Les trois interactions électromagnétique, faible et forte sont décrites au sein du modèle standard d'une manière très similaire: il s'agit de théories de champs de jauge quantiques. Ces théories sont à la fois quantiques et relativistes et décrivent des particules de ``matière'' interagissant par un échange de particules de ``rayonnement''. Ainsi, l'unification de ces trois interactions est au moins réalisée au niveau du formalisme mathématique et du type de théorie physique utilisés.
A la suite des premiers succès de la théorie électrofaible, le chemin vers l'unification des trois interactions décrites dans le modèle standard semblait rapidement accessible. Ainsi, en 1973, Sheldon Glashow et Howard Georgi, proposèrent une nouvelle théorie dite de ``Grande Unification'' (GUT pour Grand Unified Theory), ne contenant plus qu'une seule interaction: l'interaction électronucléaire, unification des trois interactions électromagnétique, faible et forte. La prédiction principale de cette théorie est la possibilité de désintégration des protons, donc de la matière ordinaire (heureusement avec une probabilité suffisamment faible pour que nous ayons encore quelques milliards d'années devant nous !). Mais les résultats expérimentaux sont en désaccord avec ces prédictions et cette théorie ne semble pas être valable: jusqu'à présent aucun proton se désintégrant n'a pu être observé, sa durée de vie étant donc au moins supérieure à 1031 années !
Et la gravitation ?
Le but ultime des physiciens est la théorie du tout: une unique théorie pour toute la physique. Or, actuellement, tout semble explicable à l'aide de deux modèles: la relativité générale pour l'interaction gravitationnelle et le modèle standard qui est un assemblage de deux théories décrivant les interactions électromagnétique, faible et forte. La relativité générale n'est pas une théorie quantique, elle ne permet donc pas de décrire la gravitation à très petite échelle spatiale. Le modèle standard est une théorie quantique et relativiste mais ne décrit pas les interactions gravitationnelles de la matière. A quoi pourrait bien ressembler la théorie du tout ? Comment quantifier la gravitation ? Le problème n'est pas facile: Einstein y a consacré la fin de sa vie sans succès...
Les recherches théoriques privilégient actuellement deux axes: la supersymétrie (SUSY) et les théories de cordes. La supersymétrie est une nouvelle symétrie reliant les particules de matière à des particules ayant les caractéristiques des particules de rayonnement et inversement. Cette nouvelle symétrie peut être appliquée au modèle standard et permet de construire le modèle standard supersymétrique. Mais, jusqu'à présent, aucune prédiction propre à ce modèle n'a pu être mise en évidence. Dans les théories de cordes, les particules ne sont plus des points sans dimension (comme dans les théories de champs quantiques) mais des petites cordes vibrantes d'une taille de l'ordre de 10-35m ! Or, il semble que la combinaison de la supersymétrie et des théories de cordes (les supercordes) permette d'intégrer la gravitation à la physique des particules. Néanmoins, de très nombreux problèmes techniques doivent encore être résolus et la recherche théorique est encore très active dans ce domaine. Cependant, certains résultats récents semblent montrer que les différentes théories de cordes seraient des limites d'une unique théorie sous-jacente, la théorie M: serait-ce la théorie du tout ?